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Couper l'électricité ou le pétrole aux Américains: une idée «farfelue», juge Blanchet

durée 05h00
21 janvier 2025
La Presse Canadienne, 2024
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5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — Le Canada joue avec le feu lorsqu'il évoque l'idée de couper l'approvisionnement en électricité ou en pétrole en réponse à la menace de tarifs du président américain Donald Trump, juge le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet.

C'est une idée «farfelue, (...) un coup de gueule qui ne se justifie pas», a-t-il lancé en entrevue avec La Presse Canadienne, en marge du retour de M. Trump à la Maison-Blanche, lundi. Selon lui, le Canada doit répondre à des tarifs par des tarifs.

«Si tu brises l'habitude d'approvisionnement des Américains à partir de l'énergie du Québec et du Canada, une fois qu'ils vont s'être trouvés d'autres sources d'approvisionnement, tu vas être dans une position très désavantageuse pour négocier de nouveaux contrats. Sur le long terme, c'est un peu la politique de la terre brûlée», a-t-il insisté.

Il note aussi que l'approvisionnement en pétrole constitue possiblement «un enjeu de sécurité nationale» pour les Américains et que celui provenant du Canada est «un peu le leur puisqu'il est dans leur cour arrière», ce qui rend la rhétorique d'autant moins «judicieuse».

M. Blanchet adopte ainsi une position à l'opposé de celle du premier ministre du Québec, François Legault, de celui du Canada, Justin Trudeau, et de la quasi-totalité des provinces, voulant que «tout est sur la table» dans cette négociation.

À l'inverse, il semble s'aligner sur celle de la première ministre albertaine, Danielle Smith, qui n'entend pas soutenir l'approche «Équipe Canada» si les exportations d'énergie sont susceptibles de faire partie de la riposte du gouvernement fédéral.

Baisser le ton

M. Blanchet, qui juge néanmoins que le Canada devrait répondre à l'imposition de tarifs, estime qu'il faut éviter l'emploi de certains mots comme «représailles» ou encore «guerre commerciale», des termes que la diplomate en chef du pays, Mélanie Joly, a régulièrement utilisés la semaine dernière à Washington tout comme l'a fait lundi soir, après l'entrevue, le premier ministre Legault.

«Ce n'est pas comme ça qu'on rassemble les conditions pour négocier correctement, a-t-il envoyé. Les négociateurs américains ne négocieront pas à coups de poing sur la table. Ils vont négocier éventuellement de façon rationnelle. Ça va être la raison qui va prévaloir.»

Actuellement, déplore M. Blanchet, «le ton est à la bravade». Les libéraux fédéraux, en pleine course à la direction, renchérissent pour se présenter comme le candidat le mieux placé pour affronter M. Trump, et le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, prend des allures de «Capitaine Canada» possiblement à la veille du déclenchement d'une campagne électorale dans sa province.

«C'est comme si on essaie de marquer des points en politique domestique plutôt que de gérer une crise qui est à caractère commercial et économique», a-t-il résumé.

M. Blanchet a affirmé que le Québec «n'a pas le choix» de jouer avec l'«Équipe Canada» étant donné que Washington ne négociera pas avec une province.

Il juge d'ailleurs que l'ancien premier ministre du Canada Jean Chrétien a «déformé les faits, comme (...) si souvent dans sa carrière», lorsqu'il se réjouissait dans les derniers jours que même le Bloc défende le Canada. «Le Québec ferait beaucoup mieux s'il était un pays indépendant», a insisté le chef bloquiste.

La province peut cependant faire ses propres représentations. M. Blanchet planifie d'ailleurs lui-même une mission chez les voisins du Sud au mois de mars pour discuter d'aluminium, de bois, de gestion de l'offre, du secteur culturel et d'aéronautique avec des élus, des groupes de pression et des groupes de réflexion.

Il estime aussi que la nomination par M. Trudeau de l'ancien premier ministre du Québec Jean Charest au comité consultatif sur les relations canado-américaines «c'est très bien, (mais) ce n'est pas suffisant».

Le poids du Québec à l'intérieur de ce groupe devrait, croit-il, être comparable à celui qu'il occupe au sein de l'économie canadienne. M. Blanchet soumet, à ce titre, le nom d'un autre ancien premier ministre du Québec, Pierre Marc Johnson, qui a «une remarquable expertise» dans ce type de négociations.

Pré-campagne électorale

M. Blanchet, qui réunit son caucus à Laval dès mardi pour une réunion et une tournée de la région, estime que c'est ni plus ni moins que le lancement de la pré-campagne électorale du Bloc, alors que des élections seront vraisemblablement déclenchées d'ici tout au plus une dizaine de semaines à la reprise des travaux parlementaires.

Ainsi, dans les prochaines semaines, M. Blanchet entend faire une imposante tournée qui le mènera aux quatre coins du Québec.

Et cette tournée commence à Laval, une île sur laquelle le Bloc juge que «pour la première fois depuis longtemps» il pourrait être en mesure d'y ravir des circonscriptions.

«Oui, il y a des régions qui sont ciblées», a-t-il reconnu alors qu'il épluchait minutieusement la carte du Québec, donnant l'impression d'y poser sans cesse des épingles ici et là.

Le Bloc sent qu'il a le vent dans les voiles en observant son avance continue dans les intentions de vote. «On est en mode expansion», résume-t-on dans l'entourage de M. Blanchet.

Le chef bloquiste se rendra dans la région de Québec, où son équipe estime pouvoir ravir 10 des 12 circonscriptions, notamment celle du ministre Jean-Yves Duclos (Québec) et du député libéral Joël Lightbound (Louis-Hébert).

Il projette aussi chasser en terres conservatrices. Gérard Deltell (Louis-Saint-Laurent) et Pierre Paul-Hus (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles), devraient, semble-t-il, se cramponner.

Le redécoupage électoral changerait même la donne dans la circonscription qui englobe Rivière-du-Loup où le conservateur Bernard Généreux était solide.

En Estrie, grâce à la dégringolade des libéraux, M. Blanchet croit que ses troupes pourraient prendre toute la région.

Dans sa mire, il a aussi Chicoutimi—Le Fjord, actuellement représentée par les conservateurs, mais aussi Argenteuil—La Petite-Nation, Longueuil—Charles-LeMoyne, Châteauguay—Lacolle, toutes des circonscriptions libérales.

M. Blanchet a indiqué qu'il déploiera «beaucoup» d'énergie sur l'île de Montréal. Le Bloc tentera d'y prendre bon nombre de circonscriptions dans l'est et le centre, y compris, pour en nommer quelques unes, celle du ministre Steven Guilbeault, sur le Plateau (Laurier—Sainte-Marie), celle du chef adjoint néodémocrate, Alexandre Boulerice, dont la popularité est tirée par le bas par son parti (Rosemont—La Petite-Patrie) ou encore celle du jusque là «indélogeable» premier ministre Justin Trudeau (Papineau).

Son équipe a affirmé qu'elle n'est «pas du tout» sur la défensive dans les circonscriptions de Mario Simard (Jonquière), de Julie Vignola (Beauport—Limoilou) et de Caroline Desbiens (Beauport—Côte-de-Beaupré—Île d'Orléans—Charlevoix).

Michel Saba, La Presse Canadienne