L'augmentation des menaces envers les élus préoccupe le commissaire de la GRC
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Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — Le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), Mike Duheme, conseille au gouvernement fédéral de renforcer la législation pour permettre à la police de porter plus facilement des accusations contre des gens qui menacent les élus.
La GRC observe une augmentation des invectives dirigées contre les politiciens, souvent lancées à plusieurs reprises par les mêmes personnes, a expliqué M. Duheme en entrevue.
Il est fréquent que ces comportements ne mènent pas au dépôt d’une accusation de menaces, en vertu du Code criminel.
«C’est donc parfois un défi», a expliqué le commissaire de la GRC.
«Mais y a-t-il d’autres outils que nous pouvons utiliser? Y a-t-il autre chose que nous pourrions ajouter au Code criminel pour régler la situation?», questionne ouvertement Mike Duheme.
Il espère que la GRC puisse travailler avec les ministères fédéraux de la Sécurité publique et de la Justice sur une nouvelle disposition pour contrer le phénomène.
«Ce serait bien de voir si nous pouvions examiner cela, dit-il. Les gens se sentent plus libres d’exprimer ce qu’ils pensent vraiment, ce qui est une bonne chose, mais il faut le faire de façon civile. Chaque élu a le droit de se sentir en sécurité dans son travail.»
Les commentaires du commissaire de la GRC viennent dans la foulée de préoccupations croissantes au sujet de la sécurité des politiciens.
Des parlementaires ont été suivis dans la rue et menacés de mort, ce qui a incité à renforcer les mesures de protection et de sécurité.
Par exemple, Pam Damoff, la députée libérale de la circonscription fédérale d'Oakville-Nord—Burlington, en Ontario, a récemment annoncé qu’elle ne se présenterait pas aux prochaines élections, affirmant que les menaces et la misogynie dont elle a été victime l’ont rendue craintive de sortir en public.
M. Duheme soutient que la GRC communique régulièrement avec d’autres corps policiers au sujet des menaces qui pèsent sur les politiciens. La GRC a une équipe de liaison qui communique avec les bureaux des ministres fédéraux au sujet des besoins quotidiens en matière de sécurité. La GRC travaille aussi en étroite collaboration avec le sergent d’armes de la Chambre des communes en ce qui concerne la protection des députés.
Les experts en sciences comportementales de la GRC examinent également les cas qui arrivent. La GRC a remarqué que des commentaires troublants proviennent parfois de personnes connues de la police à la suite d’incidents antérieurs, a souligné le commissaire Duheme.
Un rapport de renseignement publié en mars dernier révèle que les menaces contre les politiciens étaient devenues «de plus en plus normalisées» en raison de récits extrémistes motivés par des griefs personnels et alimentés par la désinformation ou des mensonges délibérés.
Le rapport de juin 2023, préparé par un groupe de travail fédéral qui vise à protéger les élections, a souligné que les théories sans fondement et la désinformation s’étaient propagées à un public plus large, exposant les utilisateurs en ligne à un vaste réseau de récits qui minent la science, les systèmes de gouvernement et les figures traditionnelles de l’autorité.
«La rhétorique violente est systématiquement axée sur les élus, avec une hostilité particulière envers les femmes de haut niveau», indique le rapport.
Ces dernières années, des pays comme la Bolivie, le Brésil et la Tunisie ont adopté des lois visant à lutter contre la violence faite aux femmes en politique.
Il est important de veiller à ce que les plateformes de médias sociaux appliquent des modalités de service qui minimiseront le sentiment de violence, avance Chris Tenove, directeur adjoint du Centre for the Study of Democratic Institutions de l’Université de la Colombie-Britannique.
Le projet de loi fédéral sur les préjudices en ligne récemment présenté est une façon d’aider à établir des normes concernant les attentes de ces plateformes pour lutter contre le harcèlement, les menaces et les discours haineux, ajoute-t-il.
Bien qu’une grande partie des abus se produisent sur le cyberespace, ils peuvent également se manifester dans la vie quotidienne.
«Vous recevez donc des menaces en ligne (...) et l'on vous crie dessus lors d’une réunion du conseil municipal», illustre M. Tenove à titre d'exemple.
Il est important, selon lui, que les dirigeants et le personnel politique indiquent clairement à leurs militants qu’il est inapproprié et antidémocratique de menacer ou de harceler les partis politiques adverses en ligne.
Jim Bronskill, La Presse Canadienne