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La Banque du Canada dans une position «très difficile» pour fixer son taux mercredi

durée 18h29
10 mars 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — La prochaine annonce de la Banque du Canada sur les taux d'intérêt, mercredi, intervient dans un contexte d’incertitude croissante en raison de l’évolution de la guerre commerciale avec les États-Unis.

La plupart des économistes s’attendent à ce que la banque centrale procède à une autre baisse d’un quart de point de son taux directeur, en attendant de voir combien de temps durera le conflit avec le principal partenaire commercial du Canada.

La Banque du Canada est confrontée à une tâche ardue: établir une politique monétaire à un moment où l’inflation montre des signes d’entêtement et où l’économie canadienne reprend de la vigueur, mais alors que se profilent à l’horizon les risques d’un ralentissement marqué lié aux droits de douane américains.

«Il s'agit d'une position très difficile pour la Banque du Canada», admet Randall Bartlett, économiste en chef adjoint au Mouvement Desjardins.

Même si le président américain Donald Trump a tenu sa promesse d’imposer des droits de douane massifs sur les exportations canadiennes le 4 mars, la nature exacte de ces droits a changé avec une série de «pauses» et d’«ajustements» dans les jours qui ont suivi.

«Qui sait à quoi cela pourrait ressembler au jour le jour? C’est presque impossible à deviner», laisse tomber M. Bartlett en entrevue.

Les conséquences d’une guerre commerciale prolongée avec les États-Unis seront en tout cas graves pour l’économie canadienne. L’inflation devrait augmenter à court terme en raison des perturbations commerciales, prévoit M. Bartlett. Et les pertes d’emplois dans les secteurs durement touchés pourraient rapidement s’accumuler si ces industries ne bénéficient pas de sursis de droits de douane.

Desjardins s’attend à ce que le Canada tombe en récession d’ici le milieu de l’année si les droits de douane élevés demeurent en vigueur. C’est bien loin de la trajectoire que suivait l’économie canadienne à l’orée de 2025.

À la fin de l’année dernière, des signes montraient en effet que les précédentes baisses de taux de la Banque du Canada commençaient à produire des effets bénéfiques sur l’économie. Le regain de confiance des consommateurs canadiens entraînait une augmentation de l’activité de détail à la fin de 2024 et suggérait que, sauf perturbation majeure, 2025 allait être une année de reprise.

Après six baisses consécutives qui ont ramené le taux directeur de la Banque du Canada à 3 %, M. Bartlett souligne que la boule de cristal économique aurait dû suggérer à la banque centrale de suspendre son cycle d'assouplissement et d'attendre de voir où l'inflation et l'économie se stabiliseraient dans les mois à venir.

«Mais nous avons ensuite été frappés évidemment par le choc des droits de douane du 4 mars, et tous les paris sont maintenant ouverts quant à ce que cela signifie (...) pour la Banque du Canada», estime l'économiste de Desjardins.

Un «changement structurel»

Les marchés financiers étaient largement en faveur vendredi dernier d'une baisse des taux d'un quart de point, selon LSEG Data & Analytics. Avant l'entrée en vigueur des droits de douane, les marchés indiquaient que les chances d'un maintien ou d'une baisse du taux directeur étaient pourtant incertaines.

Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, déclarait dans un discours le 21 février dernier que, si des droits de douane généralisés et durables sont appliqués, «il n'y aura pas de rebond» dans l'économie canadienne par la suite, comme il y en a eu pendant la reprise après la pandémie de COVID-19. On assisterait donc à un «changement structurel», a-t-il prévenu.

M. Macklem a ensuite expliqué que la banque centrale ne pouvait pas s'appuyer simultanément sur une croissance faible et sur une inflation poussée à la hausse par les droits de douane. Il a déclaré que la banque centrale prévoyait d'utiliser son taux directeur pour aider à «lisser» l'impact sur l'économie tout en gardant les attentes d'inflation bien ancrées à l'objectif de 2 %.

Andrew Grantham, économiste principal aux Marchés des capitaux CIBC, écrivait vendredi dans une note aux clients que la banque centrale «ne pouvait pas résoudre le problème des droits de douane» avec des baisses de taux, mais qu'elle pouvait au moins aider l'économie à traverser la période de turbulence.

La CIBC s'attend à ce que la banque centrale procède à une baisse d'un quart de point mercredi, pour amener le taux directeur à 2,75 %; d'autres baisses pourraient suivre cette année si l'incertitude commerciale devait perdurer.

Chez Desjardins, M. Bartlett s'attend aussi à ce que la Banque du Canada décide de fournir un peu de soutien à l'économie canadienne avec une baisse de 25 points de base. Mais il croit qu'elle s'abstiendra de toute mesure plus importante, en attendant de voir combien de temps les droits de douane resteront en place dans les semaines à venir.

Il souligne que la banque centrale sera limitée dans sa capacité à réduire le taux directeur, notamment à cause de la faiblesse du dollar canadien. Le huard est vulnérable non seulement aux impacts de la guerre commerciale, mais aussi à un écart grandissant entre les taux directeurs du Canada et des États-Unis, rappelle M. Bartlett.

Si la Banque du Canada abaisse trop fortement son taux directeur, le huard pourrait également chuter, ce qui entraînerait alors une poussée plus importante de l'inflation sur les aliments et autres biens importés des États-Unis.

Craig Lord, La Presse Canadienne