«Pleins de marde»: une assemblée de parlementaires tiendra une réunion extraordinaire
Temps de lecture :
3 minutes
Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — Le député franco-ontarien Francis Drouin n'est pas au bout de ses peines. Les appels à sa démission de son poste de président de la section canadienne de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) se transposeront directement dans les instances de l'organisation, alors qu'une assemblée générale extraordinaire a été convoquée pour discuter de la question.
«On va déposer une motion qui va demander que les membres se prononcent sur la démission de M. Drouin», a confirmé vendredi à La Presse Canadienne le député bloquiste René Villemure, l'un des deux vice-présidents de la branche canadienne de l'organisation parlementaire.
M. Villemure – qui a signé avec 16 autres collègues bloquistes une lettre demandant la réunion – juge que le dossier ne s'est pas clos avec les excuses présentées jeudi «avec une immense réticence» par M. Drouin pour avoir qualifié de «pleins de marde» et d'«extrémistes» deux témoins qui militent pour la protection du français au Québec.
Trois jours plus tôt, les deux témoins, un chercheur indépendant et un professeur de cégep, avaient expliqué, en s'appuyant sur des données de Statistique Canada, que lorsqu'un francophone ou un allophone fréquente une université ou un cégep anglophone, cela augmente significativement la probabilité de mener sa vie en anglais.
Lors de cette réunion houleuse du comité permanent des langues officielles, le député Drouin avait lancé les paroles controversées après leur avoir demandé s'ils croient sincèrement «que le gros problème de l'anglicisation au Québec c'est McGill et le collège Dawson».
Or, M. Drouin a beau s'excuser de ne pas avoir offert aux témoins «un environnement respectueux» en ce qui concerne les paroles prononcées, «le fond de sa pensée n'en demeure pas moindre» puisqu'il continue de nier «les faits» et de «banaliser» le sort de la francophonie, plaide M. Villemure.
Il juge cela «inacceptable, point à la ligne» pour celui qu'il décrit comme «le premier diplomate élu du Canada» en matière de francophonie. M. Drouin occupe non seulement la présidence du chapitre canadien de l'APF, mais il est également président de l'organisation à l'échelle internationale.
Après avoir présenté ses excuses, le député Drouin a déclaré aux journalistes que «j'ai dit tout ce que j'avais à dire» lorsqu'il s'est fait demander s'il entend démissionner de ses postes de président.
Le député de Trois-Rivières s'est dit «étonné» d'en arriver à demander un vote et implore son collègue d'accepter «le seul verdict qui s'impose» en quittant par lui-même. «C'est mieux que de se faire démettre», a-t-il lancé.
Pour le moment, les chefs du Bloc québécois et du Parti conservateur du Canada, Yves-François Blanchet et Pierre Poilievre, ont pris la parole à la Chambre pour demander que M. Drouin démissionne de ses fonctions à l'APF, mais le premier ministre Justin Trudeau et ses ministres continuent de le défendre bec et ongles en notant que leur collègue s'est excusé.
Dans une déclaration écrite, la porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière de langues officielles, Niki Ashton, a indiqué vendredi qu'elle «voit mal» comment M. Drouin pourra rester président de l'APF «après avoir manqué de respect et traité des témoins comme ça».
Les statuts de la section canadienne de l'APF précisent que «tout sénateur ou député» peut en être membre. Il n'est pas requis qu'ils parlent français.
La page du Parlement du Canada consacrée à l'organisation révèle qu'elle comptait 88 membres vendredi matin. Un calcul mené par La Presse Canadienne révèle que 48,9% des membres sont des bloquistes ou des conservateurs.
Des parlementaires peuvent devenir membres jusqu'à sept jours avant la réunion. M. Villemure a d'ailleurs noté que cinq membres se sont ajoutés depuis le début de la semaine.
L'avis de convocation, qui a été transmis jeudi soir en français, mais aussi en anglais, précise que la réunion doit se tenir le jeudi 23 mai, à 18 h 30.
Michel Saba, La Presse Canadienne