Le marketing politique pour les nuls
Par Guillaume Jacob
Maurice Duplessis fait un retour en force dans son ancienne circonscription, au sein d'une exposition du Musée québécois de culture populaire qui décortique le marketing politique utilisé par l'Union nationale.
« Duplessis donne à sa province. » Ce slogan de la campagne électorale de 1948 a marqué une époque où le chef régnait en roi et maître sur le Québec. C'est aussi la formule qui a donné son nom à cette nouvelle exposition qui se penche sur les stratégies de communication de l'Union nationale, premier parti de chez nous à recourir au « marketing politique ».
« C'était une machine de communication follement intéressante », lance Alain Lavigne, professeur de communication à l'Université Laval. Ce passionné de l'Union nationale a prêté des centaines d'objets aux couleurs du parti de Duplessis, issus sa collection personnelle, pour les besoins de l'exposition.
« J'enseigne aujourd'hui des principes et des stratégies qui étaient déjà utilisées à cette époque », fait valoir le professeur. Bien que l'Union Nationale ait été associée à la période de la Grande Noirceur et des idées conservatrices, ses pratiques de propagande (à l'époque, le terme n'était pas péjoratif) étaient franchement avant-gardistes, souligne Alain Lavigne.
« À partir de 1948, pour la première fois, un parti a une équipe vouée exclusivement aux communications. Duplessis fait l'objet d'une mise en marché officielle. On le met au centre d'une stratégie qu'on appelle aujourd'hui le storytelling. On le présente au sein d'une biographie, avec sa famille, son histoire, ses convictions. C'est une technique qu'a utilisée l'équipe de Barack Obama », explique le professeur.
Et si le député de Trois-Rivières était mis à l'avant-plan, ce n'était pas lui qui élaborait les stratégies de communication. Le cerveau derrière ces campagnes était Joseph-Damase Bégin. Membre de l'Union Nationale et vendeur de voitures, il a été le premier à transposer le marketing commercial au monde politique.
La stratégie a tellement bien fonctionné que le nom du parti a été peu à peu éludé pour laisser la place au chef. « Duplessis était l'Union Nationale, et l'Union Nationale était Duplessis. Le personnage était tellement fort qu'on avait plus besoin du nom du parti », énonce Alain Lavigne.
Parmi les moyens utilisés pour promouvoir le premier ministre et ses réalisations, il y a la bande dessinée, les affiches et les films de propagande présentés dans les salles paroissiales aux quatre coins du Québec. Sans oublier le fameux « catéchisme de l'électeur », lancé lors de la campagne de 1936. Et si ces tactiques étaient redoutablement efficaces, elles demeuraient plus informatives que démagogiques, précise le professeur.
La machine de communication est alors alimentée par les ristournes sur les contrats publics. « Une pratique qui était peut-être immorale, mais pas encore illégale à l'époque », raconte M. Lavigne. En 1956, l'Union Nationale compte sur une caisse électorale dix fois plus remplie que celle de son principal rival, le Parti libéral.
L'exposition « Duplessis donne à sa province » est présentée au Musée québécois de culture populaire jusqu'au 9 septembre 2012.
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