Coucher son âme sur papier
Par Matthieu Max-Gessler
Si écrire la biographie d’une personnalité connue est quelque chose d’habituel dans le monde de l’édition, il en va autrement lorsqu’on écrit sur la vie d’une illustre inconnue. C’est donc un pari risqué qu’a fait l’écrivaine en herbe Andrée Baribeau, originaire de Saint-Marc-des-Carrières, en couchant sur papier son histoire et son âme. Un pari toutefois réussi haut la main.
Eaux Troubles – de l’intérieur sans pudeur nous raconte les péripéties d’Andrée, de son enfance à celle de son fils Billy, en passant par plusieurs déceptions et tragédies amoureuses et son exil sur la Côte-Nord, puis aux Îles-de-la-Madeleine. Un parcours souvent ardu, parsemé d’expériences spirituelles, mais aussi traumatisantes, dont le viol qu’elle a subit enfant.
«Écrire ce livre a été une libération et une guérison pour moi, confie l’auteure. Mais le ménage avait été fait face à ce viol. Je pense plutôt que le pire bout à écrire est celui sur mon ex-conjoint, qui m’a fait vivre beaucoup de violence verbale et physique.»
Au-delà de sa vie racontée en courtes scènes, Andrée Baribeau présente sa vision et ses souvenirs de plusieurs pans de l’histoire de la société québécoise. L’auteure permet au lecteur de découvrir – ou de se rappeler, selon l’âge – les mœurs d’un Québec pas si lointain. Le combat d’Andrée contre le machisme de ses collègues, alors qu’elle devient la première chauffeuse de taxi de Gagnon, défunte ville minière de la Côte-Nord, a de quoi faire réfléchir même les moins féministes d’entre nous.
Un sens inné des descriptions
En plus des portraits sociaux, Eaux Troubles s’avère extrêmement riche en images. Andrée Baribeau dépeint avec naturel et brio les paysages dans lesquels elle a évolué, permettant au lecteur de voir avec ses propres yeux, sans pour autant le perdre dans les détails.
«J’écris au présent, même si c’est plus difficile pour un écrivain, ça fait en sorte que je livre mon ressenti dans mes descriptions. J’aime observer, mais je ne m’attarde pas sur les détails, plutôt sur l’ensemble. Quand j’écris quelque chose, je le revis et les images viennent toutes seules», explique-t-elle.
Meilleur qu’une téléréalité
On ne peut s’empêcher de se sentir un peu voyeur en tournant les pages d’Eaux Troubles, comme si l’on épiait nos voisins à leur insu. Un sentiment vite dissipé une fois plongé dans la lecture, bien plus palpitante que la plus populaire des émissions de téléréalité. Pourtant, Andrée est loin de se sentir comme une exhibitionniste.
«Je ne suis pas attachée à cette histoire-là, je n’ai pas peur du regard de l’autre et je n’ai pas écrit pour chercher l’attention. Au contraire, je voulais me détacher de tous ces personnages-là que j’ai été», affirme-t-elle sereinement.
Après la réalité, la fiction
Alors que son premier ouvrage sera réédité sous peu, Andrée Baribeau travaille déjà depuis quelques mois sur un nouveau roman.
«Certains vont considérer ça comme de la fiction, mais ça n’en est pas vraiment. C’est sûr qu’il y a un peu de moi dans cette histoire-là, qui tourne autour d’un personnage très particulier qui n’a pas le don de la parole», se contente-t-elle de révéler.
Publié aux Éditions de L’Apothéose, Eaux Troubles est disponible dans la plupart des librairies, mais les intéressés devront probablement le commander pour pouvoir mettre la main dessus, du moins, en attendant sa réédition qui ne devrait pas tarder. Un livre passionnant du début à la fin et qui, espérons-le, sera suivi par plusieurs autres, tout aussi savoureux!
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