En prison avec Jean-Marie Lapointe
Par Andrée-Anne Blais
L’auteur, comédien et conférencier Jean-Marie Lapointe était de passage à Trois-Rivières le weekend dernier dans le cadre du Salon du livre de Trois-Rivières. Celui qui a récemment publié Je ne t’oublierai pas, un livre dans lequel il partage des rencontres qu’il a faites avec des gens qui ont marqué sa vie, a fait un arrêt vendredi matin au Centre de détention de Trois-Rivières. C’est devant une cinquantaine de détenus que l’auteur a présenté son livre. L’Écho de Trois-Rivières a eu le privilège d’assister à cette rencontre.
On ne va pas en prison par choix, ni par plaisir. Pourtant, lorsqu’on a offert à Jean-Marie Lapointe de passer un avant-midi «en dedans», Il n’a pas hésité. «Quand mon éditrice m’a parlé du projet, je me suis dit wow! Tu parles d’une belle occasion. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre.» C’est le matin même qu’il a vraiment réalisé ce qu’il s’apprêtait à faire. Il avoue avoir ressenti un certain stress. «J’avais déjà été dans une prison, mais c’était pour le tournage de films ou de téléséries. Je n’avais jamais rencontré quelqu’un en détention. J’étais dans une zone d’inconfort totale».
Pendant un peu plus d’une heure, il s’est ouvert à une cinquantaine de détenus attentifs, réunis pour l’occasion dans le gymnase de l’établissement. Il a été question bien sûr de son livre, mais aussi de ses problèmes de consommation, de la mort de sa mère, de sa relation avec son père, de l’accompagnement qu’il fait auprès d’enfants en fin de vie, etc. «J’avais envie que les gars passent un bon moment. Je voulais être utile et apporter quelque chose à leur cheminement. Je n’avais pas l’intention d’être bon, mais adéquat», a-t-il confié quelques heures après sa visite.
Jean-Marie Lapointe a particulièrement touché plusieurs détenus lorsqu’il leur a parlé de ses problèmes de consommation. «Ça fait trois ans que je ne consomme plus. C’est possible de le faire». Plusieurs se sont reconnus en lui et on pouvait lire dans le visage de certains beaucoup d’espoir. «On le sait qu’on peut s’en sortir, mais de l’entendre de sa bouche c’est différent», avoue François. Rapidement, un lien de confiance s’est créé entre le conférencier et les détenus. Ils n’ont pas hésité à se confier à lui et à poser des questions. «Quand je vais sortir d’ici, j’aimerais ça aider les autres et fonder un OSBL. Comment on fait?», «Ma p’tite fille est morte d’un cancer, c’est pas facile...», «Comment t’as fait pour arrêter de consommer?». L’émotion était palpable. Plusieurs détenus avaient même la larme à l’œil.
Pour le principal intéressé, cette expérience lui aura apporté beaucoup. «J’ai appris sur moi, sur l’humilité et sur l’authenticité. De la bullshit, ils n’en ont pas besoin. Ils sont vrais», raconte celui qui a même pu visiter les cellules du Centre de détention. Jean-Marie Lapointe a rencontré ces détenus pour parler de son livre et des personnes qui ont marqué sa vie, mais ce matin-là, c’est lui qui a marqué des vies.
L’école en prison
Pendant leur séjour, les détenus ont la possibilité de poursuivre leur cheminement scolaire. C’est dans le cadre de son cours de français que l’enseignante Suzie Picard a eu l’idée d’inviter des auteurs. «C’est elle qui nous a contactés, explique Julie Brosseau, la directrice générale du Salon du livre de Trois-Rivières. On essaie de rejoindre le plus grand nombre de lecteurs possible et comme les gens dans le milieu carcéral ont beaucoup de temps pour lire, on a accepté». D’un commun accord, le comité du Salon du livre et les gens de la prison ont choisi les auteurs Jean-Marie Lapointe et Martin Michaud pour parler de leur livre respectif.
Cette initiative avait de nombreux objectifs, comme le précise Nancy Corriveau, conseillère en milieu carcéral. «Il y a une démarche derrière une activité comme celle-là. On veut susciter le goût de la lecture, faire découvrir aux détenus de nouveaux auteurs et élargir leurs champs d’intérêt, mais avant tout, on veut qu’ils trouvent une façon qui est socialement acceptable d’occuper leur temps et les faire réfléchir». Ces rencontres auront certainement déclenché de nombreuses discussions et ébranlé plusieurs détenus. D’ailleurs au moment de quitter les lieux, l’aumônier de l’établissement était très sollicité.
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