En place depuis novembre 2021
Québec met fin prématurément aux bourses Perspective Québec et épargne 1 milliard $
![email](/assets/images/partage/email_icon.png)
Par La Presse Canadienne
Québec met fin prématurément au programme de bourses Perspective Québec, même s’il reste toujours un peu plus d’un milliard $ dans l’enveloppe qui avait été prévue lors de l’annonce de ce programme en novembre 2021.
À l’époque, alors que le Québec était toujours en pleine pandémie, le gouvernement Legault avait décidé d’offrir des bourses de 2500 $ par session au niveau universitaire et de 1500 $ par session au niveau collégial dans des domaines d’études qu’il avait identifiés comme étant prioritaires en raison d’un manque de main-d’œuvre. Ces domaines étaient, notamment, le génie et les technologies de l’information, du côté de ce que l’on appelait alors «des secteurs stratégiques pour l’économie», et «les services publics essentiels», plus précisément la santé et les services sociaux, l’éducation et les services de garde éducatifs à l’enfance.
De 9000 $ à 20 000 $
Le montant total des bourses pouvait atteindre 9000 $ au niveau collégial et de 15 000 $ à 20 000 $ pour une formation universitaire selon la durée du programme. Les bourses n’étaient remises qu’une fois la session complétée.
Le programme, doté d’une enveloppe de 1,7 milliard $ à son lancement, devait s’étaler sur quatre ans et prendre fin après la session d’automne 2025. Or, la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, a confirmé vendredi matin l’information d’abord publiée la veille par le quotidien le Devoir à l’effet que les bourses de la présente session, celle d’hiver 2025, seront les dernières.
Toutefois, les étudiants qui bénéficient actuellement de ce programme continueront à recevoir leurs bourses jusqu’à la fin de leurs études.
Plus d'un milliard $ inutilisés
La fin prématurée du programme n’est toutefois pas due à l’épuisement des fonds, loin de là. À ce jour, seulement 538 millions $ de cette enveloppe ont été utilisés pour le versement de quelque 258 000 bourses (près de 107 000 au collégial et un peu plus de 151 000 au niveau universitaire). C’est donc dire qu’il reste plus d’un milliard $ dans cette enveloppe, de l’argent qui sera réorienté ailleurs.
Le ministre invoque «les effets inégaux dans certains domaines d'études visés ainsi que l'évolution du contexte économique» pour expliquer cette décision. Le communiqué publié par son bureau affirme que le gouvernement Legault entend «miser sur d'autres solutions pour valoriser les professions dans les services publics, comme en santé et en éducation», et soutient que «l'amélioration des conditions de travail et des salaires dans les réseaux publics en est un bon exemple».
La saine gestion des dépenses publiques
Quant aux étudiants qui doivent effectuer les stages obligatoires en santé, en services sociaux, en éducation et en éducation à l'enfance, qui étaient admissibles aux bourses Perspective Québec, «ils seront réintégrés dans le Programme de bourses de soutien à la persévérance et à la réussite des stagiaires», précise-t-on.
Dans un court message inclus dans le communiqué, la ministre Déry affirme que cette fin prématurée «n'est pas une décision facile», mais elle adopte du même souffle le mantra du gouvernement Legault en invoquant le «souci de saine gestion des finances publiques».
«Nous souhaitons plutôt miser sur d'autres solutions pour valoriser les professions, comme nous l'avons fait en améliorant les conditions de travail et les salaires des employés dans les réseaux de la santé et de l'éducation, notamment», ajoute-t-elle.
«Une décision particulièrement honteuse»
«On trouve vraiment que c'est une décision qui est particulièrement honteuse», s’insurge Antoine Dervieux, président de la Fédération étudiante collégiale du Québec, rejoint par La Presse Canadienne. «C'est sincèrement une tragédie en trois actes. L'acte un, c'est que la ministre Déry nous a promis l'année passée une rémunération, en tout cas une forme de rémunération pour les stagiaires l'année passée.»
«Le deuxième acte, c'est que la ministre Déry revient sur ses engagements en faisant des choix comme elle l'a dit tout au courant de l'année, puis elle laisse les étudiants dans leur situation de précarité. Et là, aujourd'hui, l'acte trois, c'est que la ministre vient couper 125 000 bourses, 250 millions $ de la poche de la population, alors que le mouvement étudiant est en campagne pour rappeler qu'il y a une situation de précarité étudiante qui atteint des sommets.»
«Le message que j'ai à faire passer à la ministre aujourd'hui, c'est qu'elle va devoir se préparer à nous entendre parler de cette annonce-là pour encore longtemps», avertit M. Dervieux.
Plus rien pour les stagiaires
Au bout du fil, son vis-à-vis universitaire à l'Union étudiante du Québec, Étienne Paré, est tout aussi surpris et déçu de cette décision. «On s'explique bien mal la décision du gouvernement de revenir sur ce programme-là. Il a ses limites, on en est conscient, on le sait. Ç'a fonctionné pour les ingénieurs, ça n'a pas fonctionné en éducation et en santé», prend-il soin de rappeler.
Mais lui aussi est amer par rapport aux stagiaires. «Pour mobiliser davantage les gens en éducation, en santé, c'est important de rémunérer leur stage. Ce sont des gens qui vivent la précarité. Comme ils ne sont pas rémunérés en ce moment quand ils sont en stage, la bourse Perspective faisait un peu un effet de baume pour ces gens-là. Puis c'est hautement problématique de leur retirer cet argent-là parce qu'en ce moment ils n'ont plus rien», se désole-t-il.
Il rappelle que la ministre Déry s'est engagée «à plusieurs reprises à rémunérer les stages» et que l’Assemblée nationale s’est prononcée à l’unanimité en faveur de cette idée. Les étudiants se disaient «au moins il y aura le programme Perspective. Là il n'y a plus de programme Perspective, donc il n'y aura tout simplement plus d'argent pour les gens, nos futurs enseignants, nos futures infirmières et nos futurs travailleurs sociaux.»
QS: «Erreur monumentale»
Côté politique, Québec solidaire a réagi vivement à cette décision. Dans un courriel envoyé à La Presse Canadienne, le porte-parole de la formation en matière d’éducation, Sol Zanetti, reproche au gouvernement caquistes de commettre «une erreur monumentale en mettant fin sans nuance aux bourses Perspective».
«En ce moment, poursuit-il, les étudiants et les étudiantes du Québec font face à la plus grosse hausse de loyer de leur vie et doivent parfois cumuler deux emplois pour payer leurs factures. Toute mesure qui augmente l'endettement étudiant en pleine crise du coût de la vie est totalement déconnectée de la réalité», fait-il valoir en dénonçant «l'austérité caquiste» qui aggrave la situation.
Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne
Pour partager votre opinion vous devez être connecté.