Projet de marché public à Trois-Rivières

Par Guillaume Jacob
Grande oubliée de la vague de popularité pour les marchés publics qui déferle sur le Québec depuis quelques années, Trois-Rivières pourrait entrer dans la danse aussi tôt qu’en 2014. La Société de développement commercial du centre-ville, promoteur d’un projet de marché au centre-ville, sonde ces jours-ci l’intérêt des Trifluviens.
Une étude de marché est en branle afin de déterminer le potentiel de réussite du projet, qui pourrait demander des investissements surpassant le million de dollars. Au cours des dernières semaines, une brigade a sillonné les rues du centre-ville, questionnaire à la main.
« Dans un premier temps, on souhaite sonder la clientèle qui fréquente déjà le centre-ville », explique la directrice générale de la Société de développement commercial (SDC), Catherine Raymond.
Un sondage téléphonique suivra, dans l’espoir de rejoindre les gens qui ne viennent pas régulièrement au centre-ville, et qui seraient attirés par un marché public, explique Mme Raymond. « On veut savoir quels types de services et d’activités les gens aimeraient voir dans un éventuel marché public. » L’objectif du projet est donc double : augmenter l’offre d’aliments frais au centre-ville et y attirer plus de clients de l’extérieur.
L’étude de marché cible 900 personnes et les résultats sont attendus vers la mi-septembre.
Les architectes prendront ensuite le relais pour étudier la faisabilité technique du projet. La SDC voudrait établir un marché de 30 000 pieds carrés sur deux étages. Des maraîchers et des commerçants permanents prendraient place au premier étage et des espaces à bureau occuperaient le deuxième. Le marché pourrait accueillir de 10 à 12 producteurs, indique Mme Raymond. « On ne veut pas voir trop grand pour commencer, mais dans le plan des locaux, on veut prévoir des possibilités d’agrandissement. »
Des potagers communautaires pourraient même voir le jour sur le toit et la bâtisse accueillerait des cuisines collectives. « On aimerait que ça devienne aussi un lieu de rencontre pour les habitants des quartiers du centre-ville », explique Mme Raymond. Le site du futur marché reste aussi à être trouvé.
Du côté des commerçants, l’intérêt est manifeste, rapporte Catherine Raymond. « On a déjà huit locataires potentiels qui nous ont transmis leurs coordonnés. Ils souhaiteraient s’y installer à l’année. »
La Société de développement commercial de Trois-Rivières devra présenter un projet solide si elle veut convaincre les maraîchers de la région à participer à un éventuel marché public.
La SDC devra séduire les maraîchers
Voilà plus de vingt ans que Trois-Rivières a perdu son marché public. Depuis, quelques tentatives malheureuses de ramener des producteurs au centre-ville ont laissé des marques, indique Robert St-Arnaud, président du Syndicat des producteurs maraîchers de la Mauricie. « Plusieurs maraîchers avaient participé à ces tentatives et y avaient laissé des plumes. »
Le loyer des étals trop chers et l’emplacement peu convivial (où se trouve aujourd’hui le terminus d’autobus voyageur) feraient partie des mauvais souvenirs à conjurer. Résultat : de ce qu’ils en connaissent, la douzaine de producteurs membres du syndicat sont réservés à l’égard du projet. « Les promoteurs doivent être conscients qu’il y a déjà eu des tentatives qui n’ont pas fonctionné. Il y a des leçons à tirer de ces insuccès », relate M. St-Arnaud.
Celui-ci insiste sur l’importance de mener une étude de marché sérieuse. « Il ne faut pas oublier qu’une bonne partie de la clientèle du marché Godefroy, à Bécancour, vient de la Rive-Nord. Il ne faudrait pas déshabiller l’un pour habiller l’autre. »
Répondre aux questions
Mireille Dugré, copropriétaire des Jardins Dugré, abonde aussi en ce sens. « Un marché à Trois-Rivières, ça serait intéressant, mais il faudrait que le projet soit sérieux et qu’il fasse l’objet d’une bonne campagne de promotion. »
Beaucoup de questions doivent trouver réponse, ajoute Robert St-Arnaud, qui exploite la ferme le Campanipol, à Sainte-Geneviève-de-Batiscan : l’emplacement du futur marché, les conditions de locations et la période d’ouverture, entre autres.
« Il y a de l’intérêt, mais je crois que les maraîchers seront prudents. Il y a beau y avoir un engouement pour les marchés publics, on ne se lancera pas là-dedans les yeux fermés. »
Les producteurs pourraient se montrer d’autant plus frileux que la plupart d’entre eux ont développé d’autres façons d’écouler leurs produits.
« Beaucoup de maraîchers ont travaillé fort pour développer des kiosques à la ferme et attirer une clientèle chez eux. Ceux qui sont situés en périphérie de la ville pourraient hésiter à établir un nouveau point de vente à quelques kilomètres de leur kiosque. »
« On est prêts à écouter, on est ouvert, mais on ne s’y lancera pas à l’aveuglette. C’est ce qu’il faut comprendre », conclut M. St-Arnaud.
Petite histoire du marché trifluvien
Entre 1824 et 1964, le marché public trifluvien était situé sur la rue des Forges à l’angle de l’actuelle rue Badeaux. En 1963, le marché a été déménagé sur la rue Saint-Philippe, entre les rues Saint-Roch et Saint-Georges. Vingt ans plus tard, 48 marchands y étaient établis.
Puis, vers la fin des années 1980, le terrain du marché a été acquis par des promoteurs qui y construisirent le complexe formé du centre des congrès, de l’hôtel Delta et la résidence La Sitelle. Depuis 1990, toutes les tentatives de ramener les producteurs au centre-ville ont été infructueuses.
Les marchés ont la cote
Les marchés publics sont en plein essor dans la Belle Province depuis quelques années. De 65 en 2007, on en compte 88 en 2012, selon l’Association des Marchés publics du Québec.
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