Études menées entre 2020 et 2024
L'environnement alimentaire du Canada est pitoyable, dit une étude
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Par La Presse Canadienne
Les environnements alimentaires au Canada ne favorisent pas la saine alimentation, et il est impératif d’agir, prévient une nouvelle analyse réalisée par 15 chercheurs de renom issus d’universités canadiennes et dont La Presse Canadienne est le seul média francophone à avoir pris connaissance.
«C'est très important de comprendre ce qui se passe, mais on ne peut pas seulement comprendre une petite portion de l'environnement parce qu'il y a beaucoup de synergie entre les différentes composantes de nos environnements alimentaires», a dit la chercheuse principale du rapport, la professeure Lana Vanderlee de l’Université Laval.
«Les environnements sont façonnés par l'industrie alimentaire et par la réglementation. Ce n'est pas seulement la responsabilité de l'individu, parce que je peux seulement faire mes choix dans l'environnement qui est autour de moi, et j'ai un contrôle limité sur cet environnement.»
Les chercheurs ont analysé les conclusions de plusieurs études indépendantes menées entre 2020 et 2024.
Ils ont constaté, dans un premier temps, que les enfants sont exposés au Canada à quelque 4000 publicités alimentaires uniquement sur leurs appareils mobiles, dont neuf sur dix concernent des aliments malsains. L'exposition double quand on parle des adolescents, à un peu plus de 8000 publicités.
Cela correspond à 1,96 publicité alimentaire/enfant/30 minutes, et à 2,56 publicités alimentaires/adolescent/30 minutes, tout au long de l'année.
«Les environnements numériques jouent un rôle grandissant dans l’adoption de saines habitudes alimentaires, notamment avec le déplacement des achats alimentaires et de la publicité alimentaire vers les plateformes en ligne», peut-on ainsi lire dans le rapport.
Les résultats de ce rapport suggèrent qu’un enfant de 9 ans pourrait être exposé à au moins 37 publicités alimentaires par jour, et un adolescent de 14 ans à 44 publicités par jour, et ce, principalement pour des produits moins sains.
Les auteurs soulignent toutefois que «le Québec fait exception (puisque) la Loi sur la protection du consommateur interdit toute publicité commerciale (y compris pour les aliments) destinée aux enfants de moins de 13 ans», sur quelque plateforme que ce soit.
Le système n'est toutefois bien évidemment pas infaillible et les jeunes Québécois n'échappent pas entièrement à ce tsunami publicitaire.
«Les jeunes sont un public très important pour l'industrie alimentaire, a rappelé la professeure Vanderlee. Quand on crée une relation avec un jeune, ça dure toute la vie.»
Les habitudes alimentaires acquises à l'enfance ou à l'adolescence seront celles qui auront ensuite tendance à perdurer à l'âge adulte. Et s'il s'agit d'habitudes malsaines, cela entraînera une hausse considérable du risque de multiples problèmes de santé, du cancer à l'obésité en passant par le diabète et les maladies cardiovasculaires.
Écoles et hôpitaux
Les auteurs affirment que les deux tiers des aliments emballés vendus au Canada contiennent des teneurs élevées en sodium, en sucre et en gras saturés. Seulement 12 % de ces aliments n'en contiennent que peu.
Au total, 40 % des produits étaient riches en un nutriment, 22 % en deux nutriments et 3 % des produits afficheraient un symbole nutritionnel «élevé en» pour les trois nutriments.
La majorité des hôpitaux étudiés proposent toujours des boissons sucrées, mais peu d'options saines, même s'ils se sont dotés de politiques alimentaires, peut-on lire dans l'étude. La situation est encore pire dans les écoles, puisque 82 % d'entre elles vendent régulièrement des boissons sucrées.
«Je sais que c'est difficile d'imaginer que ça puisse être possible de ne pas avoir de boissons sucrées, mais c'est possible, a assuré la professeure Vanderlee. On l'a vu dans d'autres pays. C'est possible de créer des environnements qui présentent à la population un modèle de ce qu'on devrait manger.»
De plus, près des écoles, 65,7 % des commerces d’alimentation et 58,9 % des restaurants affichaient des publicités extérieures pour des aliments ou des boissons, principalement pour des produits moins sains.
Toutefois, 14 % des écoles proposaient exclusivement des options de boissons plus saines, et au total, 55 % offraient des fruits et légumes régulièrement.
Plus de 85 % des épiceries mettent en évidence des aliments malsains dans des zones de forte affluence, notamment aux caisses, et la moitié disposent de «murs de malbouffe» stratégiquement placés.
Les auteurs ont enfin constaté que les Canadiens n'ont pas un accès égal aux aliments sains. Dans les provinces de l'Atlantique, par exemple, le prix hebdomadaire d’un panier alimentaire nutritif pour une famille de quatre personnes varie entre 399 $ (Nouvelle-Écosse) et 418 $ (Terre-Neuve-et-Labrador), soit jusqu’à 30 % de plus que dans d’autres régions du Canada.
C'est au Manitoba que le coût était le plus faible, à 317,29 $. Il s'élève à 351,09 $ au Québec, en milieu de peloton.
«Ces environnements alimentaires sont défavorables à l’adoption de saines habitudes alimentaires au sein de la population canadienne, ce qui contribue à l'augmentation des taux de maladies non transmissibles liées à l'alimentation et amène des répercussions négatives sur la santé et le bien-être», concluent les auteurs du rapport.
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne
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