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Réfugiés et Citoyenneté Canada

Pression de l'immigration sur le logement: Ottawa avait été averti

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11 janvier 2024
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Par La Presse Canadienne

Des fonctionnaires fédéraux ont averti le gouvernement du Canada il y a deux ans que de fortes augmentations de l'immigration pourraient affecter l'abordabilité du logement et les services, selon des documents internes.

Ces documents obtenus par La Presse Canadienne grâce à une demande d'accès à l'information montrent qu'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a analysé les effets potentiels de l'immigration sur l'économie, le logement et les services, alors qu'il préparait ses objectifs d'immigration pour 2023 à 2025. 

Le sous-ministre, entre autres, avait été averti en 2022 que la construction de logements n’avait pas suivi le rythme de la croissance démographique. «Au Canada, la croissance démographique a dépassé la croissance du nombre de logements disponibles», peut-on lire. «En tant qu'autorité fédérale chargée de gérer l'immigration, les décideurs du ministère doivent comprendre le décalage entre la croissance démographique et l'offre de logements, ainsi que la manière dont l'immigration permanente et temporaire façonne la croissance démographique.»

L'immigration est responsable de presque toute la croissance démographique au Canada, compte tenu du vieillissement démographique du pays.

Le gouvernement fédéral a finalement décidé d’augmenter le nombre de résidents permanents que le Canada accueille chaque année à 500 000 en 2025. Cela signifie qu’en 2025, le Canada accueillera près de deux fois plus de résidents permanents qu’en 2015.

Un document révèle que les fonctionnaires fédéraux étaient bien conscients des pressions qu'une forte croissance démographique exercerait sur le logement et les services. "Les augmentations rapides exercent une pression sur les soins de santé et le logement abordable", ont prévenu les fonctionnaires. «Les prestataires de services d'établissement et de réinstallation expriment des difficultés à court terme en raison des conditions du marché du travail, de l'augmentation des niveaux et des initiatives en Afghanistan et en Ukraine.»

L’abordabilité du logement est désormais devenue un handicap politique pour le gouvernement libéral. Les conservateurs ont pris un élan considérable au cours de la dernière année alors que le parti s'attaque aux questions d'abordabilité, tout en évitant la question de l'immigration en particulier. Ces pressions ont forcé le gouvernement libéral à recentrer ses efforts sur la politique du logement et à commencer à faire face à l'augmentation du nombre d'étudiants internationaux avec de nouvelles règles.

Des données récentes montrent que le rythme de croissance démographique du Canada continue d’établir des records, le pays accueillant également un nombre historique de résidents temporaires, en grande partie grâce aux programmes d’étudiants internationaux et de travailleurs étrangers temporaires.

La population du pays a augmenté de plus de 430 000 personnes au cours du troisième trimestre 2023, ce qui représente le rythme de croissance démographique le plus rapide jamais enregistré depuis 1957. Des analystes financiers jusqu'aux établissements universitaires ont averti que la forte croissance démographique du Canada érode l'abordabilité du logement, car la demande dépasse l'offre.

La Banque du Canada a émis une analyse similaire. Toni Gravelle, sous-gouverneur depuis octobre 2019, a prononcé un discours le mois dernier au cours duquel il a averti que la forte croissance démographique faisait monter les coûts des loyers et les prix des logements.

Les sondages d'opinion publique montrent également que les Canadiens sont de plus en plus préoccupés par la pression que l'immigration exerce sur les services, les infrastructures et le logement, ce qui entraîne une diminution du soutien en faveur d'une immigration élevée.

Le gouvernement libéral a défendu ses décisions en matière de politique d'immigration, affirmant que les immigrants contribuent à la prospérité économique et contribuent à améliorer la démographie du pays à mesure que la population vieillit. Toutefois, dans un contexte de surveillance accrue de la politique d'immigration du gouvernement libéral, le ministre de l'Immigration, Marc Miller, a fixé l'objectif annuel à 500 000 résidents permanents pour 2026.

L’attention se déplace désormais vers la forte augmentation du nombre de résidents non permanents. Entre juillet et octobre, environ les trois quarts de la croissance démographique du Canada provenaient des résidents temporaires, y compris les étudiants internationaux et les travailleurs étrangers temporaires.

Cette tendance sonne l'alarme quant à la dépendance croissante des entreprises à l'égard des travailleurs migrants à bas salaires et à l'attrait des étudiants internationaux par des établissements postsecondaires douteux.

Lors d'une conférence de presse jeudi, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a déclaré que l'immigration était une force économique et sociale pour le pays, mais a reconnu que le logement devait suivre le rythme.

«Pour que l'immigration fonctionne en tant que stratégie économique canadienne, nous devons nous assurer que l'offre de logements se maintient, a déclaré Mme Freeland. Et je pense que nous devons être sûrs que notre système d'immigration fonctionne comme prévu.»

Mikal Skuterud, professeur d'économie à l'Université de Waterloo, en Ontario, qui est spécialisé dans la politique d'immigration, affirme que le gouvernement fédéral semble avoir perdu le contrôle des flux migratoires temporaires. Contrairement aux objectifs annuels pour les résidents permanents, le nombre de résidents temporaires est dicté par la demande de travailleurs migrants et d'étudiants internationaux.

Il note également qu'il existe un lien entre les objectifs en matière de résidents permanents et le flux de résidents temporaires. «Dans la mesure où vous augmentez le nombre de permanents et que les migrants réalisent que pour obtenir une permanence, il faut venir ici en tant que résident temporaire... alors les migrants sont incités à venir tenter leur chance», a-t-il observé.

Le professeur Skuterud, qui a vivement critiqué la politique d'immigration du gouvernement fédéral, affirme que les avantages d'une immigration élevée ont été exagérés par les libéraux. Selon lui, à partir de 2015 environ, lorsque le gouvernement libéral a été élu pour la première fois, un discours s'est développé au Canada selon lequel «l'immigration était en quelque sorte une solution aux problèmes de croissance économique du Canada».

Et même si le professeur Skuterud affirme que des gens aiment croire ce discours, il note qu’une immigration plus forte ne fait pas grand-chose lorsqu’il s’agit d’augmenter le niveau de vie, tel que mesuré par le Produit intérieur brut (PIB) réel par habitant.

Des fonctionnaires d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada sont d’accord, suggèrent les documents obtenus par La Presse Canadienne. «L'augmentation de la population en âge de travailler peut avoir un impact positif sur le produit intérieur brut, mais peu d'effet sur le PIB par habitant», ont-ils noté.

Nojoud Al Mallees, La Presse Canadienne

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